Le Luxembourg actualise son évaluation nationale des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme

Le Luxembourg vient de finaliser la mise à jour de son évaluation nationale des risques en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (ENR 2020). L'ENR 2020 a été réalisée sous la direction du ministère de la Justice et adoptée le 15 septembre 2020 par le Comité de prévention du blanchiment et du financement du terrorisme (Comité de prévention BC/FT). La première évaluation nationale des risques date de septembre 2018 (ENR 2018).

Ces travaux répondent à la Recommandation 1 du Groupe d'action financière (GAFI) selon laquelle "les pays devraient identifier, évaluer et comprendre les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels ils sont exposés et devraient prendre des mesures, parmi lesquelles la désignation d'une autorité ou d'un mécanisme pour coordonner les actions d'évaluation des risques, et mobiliser des ressources, afin de s'assurer que les risques sont efficacement atténués". Aussi, la note interprétative de cette recommandation indique que "les pays devraient tenir ces évaluations à jour".

Le Comité de prévention BC/FT est chargé notamment d'élaborer, de coordonner et d'évaluer les politiques et stratégies nationales sur la prévention du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (BC/FT) et de tenir à jour l'évaluation nationale des risques.

L'évaluation nationale des risques constitue le fondement de l'approche fondée sur les risques pour s'assurer que les mesures de prévention et d'atténuation des risques de BC/FT sont à la mesure des risques identifiés. Cette approche permet à l'État, mais aussi aux autorités de contrôle et aux organismes d'autorégulation d'allouer de façon efficiente les ressources consacrées à la lutte contre le BC/FT. Elle permet aussi de s'assurer que le régime de lutte contre le BC/FT permette de faire face aux risques plus élevés et, sous certaines conditions, de simplifier les certaines mesures lorsque les risques sont plus faibles.

Le Luxembourg adopte continuellement son cadre juridique et ses structures institutionnelles à l'évolution des risques en matière de BC/FT et aux normes internationales en constant développement. Depuis la publication de l'ENR 2018, la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (loi LBC/FT de 2004) a été révisée à plusieurs reprises pour transposer la 5e directive européenne anti-blanchiment et étendre le champ d'application de la loi à de nouvelles catégories de professionnels, tels les prestataires de services d'actifs virtuels. Les pouvoirs de surveillance et de sanction des organismes d'autorégulation ont été étendus. Aussi, en 2018, l'indépendance de la Cellule de renseignement financier (CRF) et son fonctionnement ont été consacrés législativement.

En tant que centre financier international, le Luxembourg contribue ainsi aux efforts à l'échelle internationale et fait preuve de son plein et entier engagement dans la LBC/FT.

Le ministère de la Justice, le ministère des Finances, le ministère des Affaires étrangères et européennes, les autorités de contrôle (CSSF, CAA et AED), les organismes d'autorégulation (OAL et OAD, CdN, CdH, IRE et OEC), les autorités judiciaires (parquet général, parquets, cabinets d'instruction), la CRF, les autorités policières et douanières (PGD et ADA) et les associations professionnelles, ont été associées à cet exercice, initié début 2020. Cet effort collectif a permis de recueillir un large éventail de données quantitatives et qualitatives de sources publiques et privées. Ces informations ont par la suite été étoffées par l'avis d'experts dans le cadre d'interactions régulières de haut niveau avec les autorités et organismes concernés et le secteur privé.

Pour ce qui est de la méthodologie, l'ENR 2020 a suivi la même approche que l'ENR 2018. Elle consiste à évaluer d'abord, le risque inhérent qui résulte des principales menaces de BC/FT auxquelles le Luxembourg est exposé et des vulnérabilités des différents secteurs et sous-secteurs visés par la loi LBC/FT de 2004. Ensuite les mesures de mitigation pour atténuer lesdites menaces et vulnérabilités sont prises en compte pour déterminer le risque résiduel.

L'ENR 2020 a été enrichie par des études de cas pour illustrer les vulnérabilités sectorielles. Elle incorpore une évaluation des vulnérabilités transversales, ainsi qu'une section spécifique liée aux impacts de la COVID-19.

Les principaux constats de l'ENR 2020 sont les suivants:

  • Les menaces de blanchiment qui pèsent sur le Luxembourg proviennent essentiellement du produit d'infractions primaires commises à l'étranger.
  • L'exposition au blanchiment domestique, provenant du produit d'infractions primaires perpétrées au Luxembourg, est nettement plus faible.
  • Les menaces de terrorisme et de financement du terrorisme sont jugées globalement modérées.
  • Les vulnérabilités proviennent des secteurs qui peuvent être exposés à des abus ou à des détournements à des fins de BC/FT (secteur financier, secteur non-financier, personnes morales et constructions juridiques).
  • Le secteur bancaire est vulnérable aux risques de BC/FT en raison de divers facteurs tels qu'une clientèle diversifiée quant à son origine géographique, ses types et l'objet des relations d'affaires, une vitesse des transactions élevée et un volume important de flux financiers.
  • Au sein du secteur de l'investissement, les fonds d'investissements sont susceptibles d'être utilisés de manière abusive ou détournés pour différents types de pratiques frauduleuses, y compris par exemple les pyramides de Ponzi, les escroqueries, arnaques ou la vente sous pression et l'utilisation de sociétés fictives.
  • Au sein du secteur de l'assurance, considéré comme modérément vulnérable au Luxembourg, le sous-secteur de l'assurance-vie apparaît comme davantage vulnérable en raison de sa grande taille et de sa fragmentation.
  • Les professions juridiques, les experts-comptables, les professionnels de l'audit [1], les comptables et les conseillers fiscaux sont exposés à des risques importants de BC/FT compte tenu des activités de prestataire de services aux sociétés et fiducies (PSSF) qu'ils peuvent exercer en marge de leurs activités principales (à l'exception des notaires et des huissiers de justice).
  • Les secteurs de l'immobilier et de la construction sont considérés comme étant à risque élevé. Les transactions immobilières portent sur des montants importants où la véritable origine des fonds peut être dissimulée, soit par l'entremise de personnes physiques, soit par empilage des transactions au moyen de personnes morales interposées. Les actifs immobilisés, comme les immeubles et les terrains, sont particulièrement vulnérables car ils peuvent servir de réserve de valeur sur le long terme et permettre de réaliser des plus-values.
  • Les personnes morales et les constructions juridiques (y compris les organisations à but non lucratif) sont également considérées comme très vulnérables au BC/FT.
  • Les prestataires de services aux sociétés et fiducies (PSSF) constituent une vulnérabilité transversale à haut risque inhérent.
  • La vulnérabilité aux menaces est également élevée dans des secteurs tels que les services de transfert de fonds ou de valeurs, en raison du nombre et du volume important de transactions transfrontalières qu'ils impliquent; les PSF spécialisés, en raison de leur capacité à fournir des services de PSSF; et les opérateurs de ports francs, en raison de la nature à haut risque de leurs activités et des flux internationaux.
  • D'autres secteurs, tels que les marchands de biens, les opérateurs de marché, les PSF de support et les autres PSF spécialisés et les opérateurs de jeux de hasard sont considérés comme moins vulnérables car ils sont au Luxembourg, soit limités en taille, en portée ou en activité.
  • Il existe des vulnérabilités spécifiques qui sont particulièrement pertinentes dans le contexte de la pandémie de la COVID-19. Il s'agit notamment des services financiers en ligne et des actifs virtuels (qui peuvent donner aux criminels davantage de possibilités de dissimuler des fonds illicites dans un volume plus important de paiements légitimes effectués en ligne); des entités en difficulté financière (qui à leur tour créent des possibilités d'être exploitées par des criminels cherchant à blanchir des produits illicites); et de la fourniture d'une aide financière gouvernementale ou internationale, notamment par l'intermédiaire d'organisations à but non lucratif.

Comme indiqué ci-dessus, les facteurs d'atténuation mis en place au sein des différents secteurs et entre les secteurs réduisent le niveau de risque inhérent à un niveau de risque résiduel. D'une manière générale, les facteurs d'atténuation sont les plus importants dans le secteur financier, qui est couvert par le cadre LBC/FT de l'UE depuis 1991 et qui a une bonne connaissance des risques.

 

Catégorie

Secteur [2]

Niveau de risque inhérent

Niveau de risque résiduel

 

Secteur financier

Banques

Elevé

Moyen

 

Secteur de l'investissement

Elevé

Moyen

 

Assurances

Moyen

Faible

 

Services de transfert de fonds ou de valeurs

Elevé

Moyen

 

PSF spécialisés (PSSF)

Elevé

Moyen

 

Opérateurs du marché

Faible

Faible

 

PSF de support et autres PSF spécialisés

Très faible

Très faible

 

Secteur non financier

Professions juridiques, experts-comptables, professionnels de l'audit, commissaires aux comptes, comptables et conseillers fiscaux

Elevé

Moyen

 

Jeux de hasard

Faible

Faible

 

Agents immobiliers

Elevé

Elevé

 

Marchands de biens

Moyen

Moyen

 

Opérateurs de ports francs

Elevé

Moyen

 

Personnes morales et constructions juridiques

 

Elevé

Elevé

 

 

La version en anglais de l'ENR 2020 et la traduction en français du résumé sont disponibles en ligne sur le site du ministère de la Justice https://mj.gouvernement.lu/fr/dossiers/2020/lutte-blanchiment.html. Une traduction intégrale du document en français sera mise en ligne en début de l'année prochaine.

 

[1] L'expression "professionnels de l'audit" désigne indifféremment les réviseurs d'entreprises, les réviseurs d'entreprises agréés, les cabinets de révision et les cabinets de révision agréés.

[2] Au moment de la rédaction du présent rapport, le ministère de la Justice est en voie de publier une évaluation verticale des risques liés aux prestataires de services d'actifs virtuels. Ces entités ne sont devenues des entités régulées qu'en 2020, la CSSF ayant été désignée comme autorité compétente pour leur surveillance LBC/FT, et elles ne sont donc pas incluses dans le tableau.

 

Communiqué par le ministère de la Justice

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