"On fait trop de pénal", François Biltgen au sujet de la réforme du code pénal et du droit pénal spécial

Geneviève Montaigu: La réforme du code pénal est-elle un sujet d'actualité?

François Biltgen: Oui, bien sûr, c'est d'actualité. Un de mes grands soucis est de dépoussiérer le code pénal. J'estime que l'on fait beaucoup trop de droit pénal au Luxembourg. Je compte m'atteler au code pénal proprement dit et je viens, à cet effet, de nommer une commission de travail chargée tout spécialement de dépoussiérer les textes. Mais ce qui est pire encore, c'est le droit pénal spécial, au niveau des dispositions. Dans toutes les lois sectorielles, il y a des dispositions pénales. Et la plupart des peines pénales ne figurent pas dans le code pénal. Aujourd'hui chaque ministère fait du droit pénal et il faudrait davantage centraliser.

Geneviève Montaigu: Quels sont les articles à dépoussiérer qui vous viennent immédiatement à l'esprit?

François Biltgen: A ce stade, je ne peux pas encore dire quel article doit être changé. On peut penser notamment à certaines infractions qui sont encore criminalisées comme le faux et l'usage de faux, qui en réalité sont systématiquement correctionnalisées, ou à l'inverse l'incendie volontaire, qui lui ne l'est jamais... Et vous pouvez aussi ajouter la banqueroute par exemple qui est aussi considérée comme un crime. Les affaires de banqueroute, plutôt rares, sont renvoyées devant une chambre correctionnelle. La différence réside dans les moyens mis à disposition pour les enquêtes, selon que l'on est en présence d'un crime ou d'un délit. Ce qu'il faut faire, et je me rallie à la proposition de mon prédécesseur, Luc Frieden, c'est correctionnaliser tout en donnant à l'enquête les moyens dont elle disposerait en cas de crime. Quant aux incendies volontaires, oui ils sont sévèrement punis et cela date encore de l'époque où tout un village pouvait brûler si une grange prenait feu. Cela fait partie des choses à revoir.

Geneviève Montaigu: Une peine pénale est-elle toujours nécessaire?

François Biltgen: Non, effectivement. En matière économique, je suis davantage favorable à des sanctions administratives. Quand j'ai mené la réforme de l'Inspection générale du travail, j'ai introduit la sanction administrative à la place de la peine pénale. Quand il survenait un problème de sécurité sur le chantier, cela mettait beaucoup de temps avant d'arriver, devant un tribunal. Or, si je vois une grue mal installée, au mépris des règles de sécurité, l'Inspection générale du travail peut sanctionner. Du moins, elle commence par demander la mise en sécurité et si ce n'est pas fait, prononcer une amende administrative. C'est plus efficace, je pense.

Geneviève Montaigu: Réformer le droit pénal, c'est une entreprise d'envergure. Combien de temps peut-elle prendre?

François Biltgen: Cela ne doit pas néssairement traîner des années. Au contraire, c'est une réforme qui me tient particulièrement à coeur et j 'espère bien la mener à son terme si la CGFP (*) ne m'oblige pas à démissionner avant! Je suis un ministre en sursis.

(*) : Le ministre de la Justice est également ministre de la Fonction publique, actuellement en négociation avec la Confédération de la fonction publique dans le cadre de l'autre grande réforme qui lui tient à coeur.

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