"Prudence avant la PMA". François Biltgen au sujet de la procération médicalement assistée

Le Jeudi: Pourquoi les futurs époux de même sexe n'auront-ils droit qu'à l'adoption simple?

François Biltgen: L'adoption simple, déjà ouverte à une personne seule, maintient les liens entre l'adopté et ses père et mère biologiques. La plénière, réservée à des couples mariés, les rompt, les remplaçant en quelque sorte par des père et mère juridiques. Si l'adoption plénière soulève déjà par cette fiction juridique des questions (dont celle du droit de l'enfant à connaître ses origines), elle en poserait d'autres dans le cas des couples de même sexe, vu la réalité biologique de la filiation. La parentalité, réalité sociale, doit ainsi être vue séparément de la parenté, soit la paternité et la maternité qui relèvent de la filiation, réalité biologique. Par ailleurs, de nombreux pays dont sont originaires les enfants susceptibles d'être adoptés n'acceptent pas l'adoption plénière de couples de même sexe et refusent même toute adoption à des Etats acceptant l'adoption plénière de couples de même sexe. L'adoption simple permettra à ces couples d'assumer leur rôle de parents. Le partenaire pourrait exercer l'autorité parentale sur ces enfants, sans que les liens avec l'autre parent biologique n'en pâtissent.

Le Jeudi: Qu'en sera-t-il pour ces couples de la procréation médicalement assistée (PMA), pratique qui n'est actuellement pas réglementée?

François Biltgen: La question du droit de l'enfant à connaître ses origines intervient dans tous les cas de PMA opérés à l'aide, par exemple, de don de sperme d'un tiers, qu'il s'agisse d'un couple hétérosexuel ou a fortiori homosexuel. A l'étranger, il y a de plus en plus de jurisprudences basées sur la réalité biologique de l'origine de l'enfant. Je recommande donc la plus grande prudence avant d'accorder le droit à ces couples de recourir à la PMA, qui ne leur est d'ailleurs pas offerte au Luxembourg. La Commission nationale d'éthique (CNE) [...] n'est effectivement "pas d'avis qu'il y a lieu de légiférer sur la PMA". Or, les développements de la jurisprudence à l'étranger montrent que l'absence de règles risque aussi d'apporter des insécurités juridiques.

Le Jeudi: La gestation pour autrui (GPA) fait-elle l'objet d'une réglementation au Luxembourg?

François Biltgen: La GPA n'est pas pratiquée au Luxembourg alors qu'elle semble manifestement contraire à l'ordre public qui interdit l'aliénation contractuelle de son corps. Le gouvernement avait même envisagé de l'interdire. En effet, au-delà de la question de principe de l'aliénation de son corps, la GPA engendre de nombreuses questions [origine, filiation, sécurité juridique, etc.] qui semblent inextricables.

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