Lanceurs d’alerte

Cliquez sur la vidéo ci-dessous

Le cadre légal luxembourgeois

Au Luxembourg, la protection des lanceurs d'alerte est régie par la loi du 16 mai 2023 portant transposition de la Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union.

La présente loi:

  • étend le champ d'application matériel de la directive à l'ensemble du droit national;
  • garantit une protection efficace et équilibrée aux lanceurs d'alerte, en conférant un véritable statut au lanceur d'alerte, comportant des droits et obligations clairement définis;
  • réduit dès lors les insécurités juridiques auxquelles sont actuellement exposés les lanceurs d'alerte;
  • contribue à renforcer le respect de l'État de droit et génère des effets d'intérêt général.

Le champ d'application

Bien que la directive ne vise que certains actes et domaines d'action de l'Union européenne, le gouvernement luxembourgeois a décidé, conformément au programme de coalition, d'étendre le champ d'application matériel de la directive à l'ensemble du droit national. Ce choix est motivé par la volonté de garantir un cadre complet et cohérent, aisément compréhensible et accessible. L'article 1er précise ainsi que les lanceurs d'alerte sont protégés contre toutes formes de représailles lorsqu'ils signalent des actes ou omissions qui sont illicites ou qui vont à l'encontre de l'objet ou de la finalité des dispositions du droit national ou européen d'application directe.

Lorsque sont réunies les conditions d'application d'un dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de leur auteur prévus par la loi ou par un acte sectoriel de l'Union européenne, pour autant que ce dispositif ne soit pas moins favorable, ces dispositions s'appliquent.

  • La loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier telle qu'elle a été modifiée par exemple, contient déjà des procédures de signalement propres et éprouvées, offrant des garanties similaires aux lanceurs d'alerte (article 58-1).
  • Il en va de même en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (article 8-3 de la loi modifiée du 12 novembre 2004)

Les objectifs de la loi

La nouvelle loi a pour objectif clé de garantir une protection efficace et équilibrée aux lanceurs d'alerte à travers des droits et des obligations clairement définis, de réduire les insécurités juridiques actuelles auxquelles les lanceurs d'alerte sont exposés et, ci-faisant, de contribuer à renforcer le respect de l'État de droit.

Qui est concerné?

La loi s'applique aux auteurs de signalement travaillant dans le secteur privé ou public qui ont obtenu des informations sur des violations dans un contexte professionnel.

Sont compris, par exemple, les travailleurs indépendants ou non, les actionnaires et les membres de l'organe d'administration, les bénévoles et les stagiaires rémunérés ou non rémunérés, les personnes travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de sous-traitants et de fournisseurs, les auteurs de signalement dont la relation de travail n'a pas encore commencé dans les cas où des informations sur des violations ont été obtenues lors du processus de recrutement ou d'autres négociations précontractuelles, mais aussi des tiers qui sont en lien avec les auteurs, tels que des collègues ou des proches des auteurs de signalement.

Les canaux de signalement et la divulgation publique

Les canaux de signalement interne

Les entités juridiques des secteurs privé et public sont soumises à l'obligation de mettre en place des canaux et procédures pour le signalement interne et leur suivi.

Les entités juridiques du secteur public comprennent toute entité leur appartenant ou contrôlée par elle, y compris les administrations des communes de 10.000 habitants et plus.

Les entités juridiques du secteur privé ne sont visées que pour autant qu'elles comptent au moins 50 travailleurs.

Lorsque des règles spécifiques concernant la mise en place de canaux de signalement en interne sont prévues dans des dispositions visées dans la partie II de l'annexe de la directive 2019/1937 (sur les services financiers, en matière de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme, en matière de sécurité des transports ou encore protection de l'environnement), les dispositions de loi ne s'appliquent que pour les questions non réglées par ces dispositions.

Les entités juridiques du secteur privé employant entre 50 et 249 travailleurs ont l'obligation de mettre en place les canaux internes jusqu'au 17 décembre 2023.

Pour les entités juridiques de droit privé comptant 250 travailleurs et plus, l'obligation de mise en place de canaux internes est immédiate.

Les canaux de signalement peuvent être gérés en interne par une personne ou un service désigné à cet effet ou fournis en externe par un tiers.

Les autorités compétentes vérifient, auprès des entités juridiques du secteur privé relevant de leur champ de compétence respectif, l'établissement conforme des canaux de signalement interne. A cette fin, elles peuvent demander aux entités juridiques du secteur privé de leur transmettre toutes les informations nécessaires.

Procédure, suivi et sanctions

Les canaux pour la réception des signalements doivent être conçus, établis et gérés de manière à garantir la confidentialité de l'identité de l'auteur de signalement et de tout tiers mentionné dans le signalement et qui empêche l'accès aux dits canaux par des membres du personnel non autorisé.

Après son signalement, un accusé de réception est adressé à l'auteur dans un délai de sept jours.

Le responsable pour la réception des signalements doit être une personne ou un service impartial compétent pour assurer le suivi (service juridique, chargé à la protection des données, personne spécialement désignée, etc.).

Un retour d'information doit être garanti à l'auteur endéans un délai de trois mois.

Les canaux internes permettent d'effectuer des signalements par écrit ou oralement ou les deux, dans une des trois langues administratives conformément à la loi modifiée du 24 février 1984 sur le régime des langues ou dans toute autre langue admise par l'entité juridique. Il est possible d'effectuer des signalements oralement par téléphone ou via d'autres systèmes de messagerie vocale et, sur demande de l'auteur de signalement, par le biais d'une rencontre en personne dans un délai raisonnable.

En cas de non-respect de ces dispositions, les autorités compétentes peuvent infliger une amende administrative de 1.500 euros à 250.000 euros à l'entité juridique du secteur privé, dont le maximum peut être doublé en cas de récidive endéans les 5 ans.

Les canaux de signalement externe

Les lanceurs d'alerte peuvent librement choisir d'effectuer un signalement en interne ou externe, c.à.d. à une autorité compétente.

La loi énumère les autorités compétentes dans son article 18:

  • La Commission de surveillance du secteur financier - CSSF
  • Le Commissariat aux assurances – CAA
  • L'autorité de la concurrence
  • L'Administration de l'enregistrement, des domaines et de la TVA – AED
  • L'Inspection du travail et des mines – ITM
  • La Commission nationale pour la protection des données – CNPD
  • Le Centre pour l'égalité de traitement – CET
  • Le Médiateur dans le cadre de sa mission de contrôle externe des lieux où se trouvent des personnes privées de liberté
  • L'Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher
  • L'Institut luxembourgeois de régulation – ILR
  • L'Autorité luxembourgeoise indépendante de l'audiovisuel – ALIA
  • L'Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg et l'Ordre des avocats du Barreau de Diekirch
  • La Chambre des notaires
  • Le Collège médical
  • L'Administration de la nature et des forêts - ANF
  • L'Administration de la gestion de l'eau - AGE
  • L'Administration de la navigation aérienne - ANA
  • Le Service national du Médiateur de la consommation
  • L'Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils – OAI
  • L'Ordre des experts-comptables - OEC
  • L'Institut des réviseurs d'entreprises - IRE
  • L'Administration des contributions directes - ACD

La procédure et le suivi pour les signalements effectués à une autorité compétente sont sensiblement les mêmes qu'en interne, sauf quelques exceptions:

  • Les autorités compétentes peuvent décider qu'une violation signalée est manifestement mineure et ne requiert pas d'autre suivi que la clôture.
  • Les autorités compétentes peuvent ne pas donner suite à un signalement répétitif, ne contenant aucune nouvelle information.

Les dispositions communes

Les canaux internes et externes doivent garantir strictement la confidentialité de l'identité de l'auteur du signalement, excepté en cas d'obligation nécessaire et proportionnée imposée par le droit national ou européen d'application directe dans le cadre d'enquêtes, notamment en vue de sauvegarder les droits de la défense de la personne concernée.

Les canaux internes et externes doivent respecter la législation sur le traitement de données à caractère personnel.

Les signalements ne sont pas conservés plus longtemps qu'il n'est nécessaire et proportionné légalement.

La divulgation publique

La personne qui fait une divulgation publique bénéficie de la protection prévue par la loi si l'une des conditions suivantes est remplie:

La personne a d'abord effectué un signalement interne et externe, ou a effectué directement un signalement externe, mais aucune mesure appropriée n'a été prise en réponse au signalement dans les délais prévus.

La personne a des motifs raisonnables de croire que:

  • la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l'intérêt public, comme lorsqu'il existe une situation d'urgence ou un risque de préjudice irréversible;
  • en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu'il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l'affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu'une autorité peut être en collusion avec l'auteur de la violation ou impliquée dans la violation.

L'office des signalements

Il est créé un office des signalements, sous l'autorité du ministre de la justice et dont les missions sont les suivantes:

  • Informer et aider dans sa démarche toute personne souhaitant effectuer un signalement, notamment en lui précisant les procédures à suivre
  • Sensibiliser le public à la législation sur la protection des lanceurs d'alerte
  • Informer les autorités respectivement compétentes de manquements aux obligations de mise en place de canaux internes desquelles l'office a connaissance
  • Recueillir auprès des autorités compétentes et les autorités judiciaires, les informations nécessaires à l'établissement du rapport annuel;
  • Élaborer des recommandations sur toute question relative à l'application de la présente loi
  • Assurer les missions lui attribuées dans la procédure de signalement externe

Le lanceur d'alerte

Le statut du lanceur d'alerte et les conditions de protection

La loi instaure le statut de "lanceur d'alerte", qui bénéficie d'une protection aux conditions suivantes:

  1. l'auteur du signalement doit avoir des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et que ces informations relèvent du champ d'application de la présente loi, et
  2. le signalement a déjà été effectué en interne ou en externe via les canaux prévus à cet effet ou il a été fait une divulgation publique conformément aux dispositions applicables.

Les personnes qui ont signalé ou divulgué des informations sur des violations de manière anonyme mais qui sont identifiées par la suite et font l'objet de représailles, bénéficient de la protection prévue par la présente loi. Il en va de même pour les personnes qui signalent auprès des institutions, organes ou organismes de l'Union européenne compétents des violations.

Les modalités de protection

Toutes formes de représailles, y compris les menaces et tentatives de représailles, sont interdites en raison du signalement effectué dans les conditions de la présente loi.

Par exemple le licenciement ou des mesures équivalentes, la rétrogradation, le transfert de fonctions, le changement du lieu de travail, les mesures disciplinaires, le traitement désavantageux ou injuste, l'évaluation de performance ou l'attestation de travail négative ou la résiliation anticipée ou l'annulation d'un contrat pour des biens ou des services.

Les mesures de représailles sont nulles de plein droit.

La personne ayant subi des mesures de représailles peut demander à la juridiction compétente d'en constater la nullité et d'en ordonner la cessation.

La personne qui n'a pas invoqué la nullité de la mesure peut encore exercer une action judiciaire en réparation du dommage subi.

Les mesures de représailles prises sont présumées telles. Il incombe donc à la personne qui a pris la mesure préjudiciable, d'établir les motifs au fondement de cette dernière à renversement de la charge de la preuve au bénéfice du lanceur d'alerte.

Lorsque le signalement est conforme aux dispositions prévues, les lanceurs d'alerte ne sont pas considérés comme ayant enfreint une restriction à la divulgation d'informations et n'encourent aucune responsabilité de ce fait, pour autant qu'ils aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique de telles informations était nécessaire pour révéler une violation en vertu de la présente loi.

Les auteurs de signalement n'encourent aucune responsabilité en ce qui concerne l'obtention des informations qui sont signalées ou divulguées publiquement, ou l'accès à ces informations, à condition que cette obtention ou cet accès ne constitue pas une infraction pénale autonome.

Dans les procédures judiciaires, y compris pour diffamation, violation du droit d'auteur, violation du secret, violation des règles en matière de protection des données ou divulgation de secrets d'affaires, ou pour des demandes d'indemnisation fondées sur le droit privé, le droit public ou le droit collectif du travail, les personnes visées à l'article 2 n'encourent aucune responsabilité du fait des signalements ou des divulgations publiques effectués au titre de la présente loi. Ces personnes ont le droit d'invoquer ce signalement ou cette divulgation publique pour demander l'abandon de la procédure, à condition qu'elles aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique était nécessaire pour révéler une violation en vertu de la présente loi.

Les sanctions en cas de signalement malveillant

L'auteur d'un signalement qui a sciemment signalé ou divulgué publiquement de fausses informations, pourra se voir infliger une peine d'emprisonnement de 8 jours à 3 mois et une amende de 1.500 euros à 50.000 euros.

La responsabilité civile de l'auteur d'un faux signalement sera engagée. L'entité qui a subi des dommages peut demander réparation du préjudice subi devant la juridiction compétente.

Cette disposition est nécessaire pour empêcher des signalements abusifs, qui auraient pour unique but de se "venger" ou d'essayer de profiter d'une protection même en cas de licenciement ou de sanction légitime.

L'office des signalements est en fonction depuis le 1er septembre 2023.

Pour toute question, veuillez contacter: 

Office des signalements
13, rue Erasme, Centre administratif Werner
L-1468 Luxembourg
Tél.: (+352) 247-88564
E-mail: francis.maquil@mj.etat.lu | ods.info@mj.etat.lu